Désobéissance exécutive
Rarement le spectacle théâtral et la politique ont été aussi proches. Au Parlement régional de Thuringe, le groupe AfD a démantelé la session constitutive avec une joie destructrice. Et tandis que l'on attendait encore vendredi la décision de la Cour constitutionnelle, la pièce de théâtre « Ein Volksbürger » esquissait à Berlin, dans la grande salle de la conférence de presse fédérale, ce qui peut arriver lorsque des ennemis de la démocratie arrivent effectivement au pouvoir par les urnes. Ce jeu de rôle, conçu par le juriste constitutionnel Maximilian Steinbeis et mis en scène par la réalisatrice Nicola Hümpel sous la forme de conférences de presse, a également montré à quel point les défenseurs de la démocratie peuvent paraître impuissants et désemparés lorsque leurs adversaires agissent avec habileté.
Rempart contre l'extrême droite
Son apparition est également empreinte d'une bonne dose de DaDa. Arndt se présente comme un rempart contre l'extrême droite – l'AfD n'a obtenu que 10 % des voix lors de ces élections régionales fictives, se classant ainsi en troisième position, comme le montre un graphique à barres. Mais il mène une politique plutôt à droite. Il organise des défaillances administratives afin de chasser de l'État libre même les réfugiés qui ont obtenu le droit de rester devant les tribunaux. Le gouvernement fédéral intervient alors, peu amusé, et insiste sur l'application des lois fédérales. Cela débouche sur le grand spectacle d'Arndt : il n'est pas un caniche qui se laisse limiter par les lois dans son action politique, mais un ministre-président qui ne fait que mettre en œuvre la volonté du peuple.
C'est la grande question de la soirée : le pouvoir émane-t-il du peuple ou l'exercice du pouvoir repose-t-il sur la Constitution ? Que se passe-t-il lorsque l'appel à la remigration, que les électeurs de la DA ont souligné en cochant la case correspondante sur leur bulletin de vote, entre en conflit avec les lois contraignantes du droit international visant à protéger les personnes menacées ?
La deuxième grande question de la soirée est la suivante : comment faire face à un gouvernement régional qui enfreint ouvertement les lois ? Dans la pièce, cette pratique est appelée « désobéissance exécutive ». Il existe des exemples de ce phénomène. Morgane Ferru, l'une des journalistes, interrompt brièvement la série de conférences de presse et rappelle le refus du ministre-président bavarois Markus Söder d'appliquer une décision du tribunal administratif de Munich concernant l'interdiction des véhicules diesel. Des astreintes ont même été infligées au gouvernement régional bavarois. En 2019, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) n'a toutefois pas jugé possible de condamner M. Söder à une peine d'emprunt, car celle-ci n'est pas prévue par le droit allemand.
Il existe toutefois un moyen, l'article 37 de la Constitution, qui permet au gouvernement fédéral et au Bundesrat d'envoyer un représentant, avec le soutien de la police fédérale, dans un État fédéré rebelle afin de faire respecter les lois fédérales. Il existe également des exemples historiques. En 1932, le gouvernement du Reich de l'époque a destitué le ministre-président social-démocrate de Prusse.
Celui-ci avait perdu la majorité après les élections régionales de la même année, et les vainqueurs des élections, le NSDAP (37 % des voix) et le KPD (13 %), avaient empêché la formation d'un nouveau gouvernement régional. Des émeutes et des combats de rue ont éclaté jusqu'à ce que les nazis prennent le pouvoir un an plus tard. « Ein Volksbürger » (Un citoyen du peuple) rapproche de manière effrayante le Berlin de 1932 et l'Erfurt de 2024.
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