Accompagnés de l’ensemble musical autrichien Franui, qui livre une version très personnelle des Lieder de Schubert, huit Navigators se mettent en quête du bonheur – un bonheur fait d’exaltation, mais où les abîmes métaphysiques ne sont jamais bien loin.
Avec la complicité de l’ensemble musical autrichien Franui, qui livre pour l’occasion une vision très personnelle des Lieder de Schubert, Wo Du nicht bist est un projet de théâtre musical et visuel, dans lequel huit personnages de cultures et d’horizons très divers entament un périple commun, à la recherche du bonheur. Un bonheur fait d’exaltation, mais où les abîmes métaphysiques ne sont jamais bien loin.
Leur quête est ponctuée de bribes de dialogues tragi-comiques en allemand et en anglais, mais aussi en flamand, en japonais et français, créant un méli-mélo à la lisière de l’absurde – au gré de questions comme « Est-ce que la vérité contient une part de passé ? Quels sont les aspects du futur que le présent modifie ? Le bonheur repose-t-il sur le socle de la vérité que forge la mort ? »
UNE PIÈCE SUR LE BONHEUR
Avec « Wo Du nicht bist », Nico et les Navigators ont fait le pas tant attendu vers le théâtre musical en 2006, qui est depuis devenu un grand voyage de découverte toujours en cours. Le point de départ de cette expédition est l’œuvre de Franz Schubert, dont le titre de la soirée se trouve dans la chanson « Der Wanderer » – complétée par la phrase « dort ist das Glück! » (là se trouve le bonheur). Cela nomme également le thème que les Navigators, avec la Musicbanda Franui, abordent : La présence et l’absence de ce sentiment éphémère de bonheur sont discutées en musique de Schubert en allemand, anglais, flamand, japonais ou français, où le son des instruments n’est pas accepté tel quel, mais est sans cesse remis en question. Ainsi, la danse se détache de son accompagnement pour devenir un mouvement silencieux, la musique interrompt les paroles, ou le chant a cappella de « Auf! Es dunkelt / Silbern funkelt / Dort der Mond / Auf Tannenhöh’n » devient le point de départ d’une euphorie sauvage. De plus, la production trouve des images merveilleusement rêveuses et douloureuses pour le bonheur, comme lorsque l’on discute du cœur tout en disséquant une pomme, lorsque des exercices de respiration harmonieux s’intensifient en exercices agressifs, ou lorsque les raisins doivent être mangés en rythme avec une danse campagnarde. Oliver Proske a créé un espace où les musiciens jouent au-dessus des acteurs dans une sorte de boîte à musique ou coquille de concert, et où ces derniers évoluent dans une sorte de paysage enneigé. Mais au-dessus de tout, il y a une sorte de passerelle de commande, d’où la Terre Mère tombe du ciel et sous laquelle des débris humains dérivent, pendant qu’au-dessus on fume détendu. Entre la danse aux baguettes d’un ange asiatique et les livres usés comme bagages du voyage de la vie, une ambiance se solidifie, parfaitement adaptée à Schubert : « Und bin doch nirgend, ach, zu Haus. » (Et pourtant je ne suis nulle part, oh, chez moi.)
ANDREAS HILLGER
…Les stars de la scène indépendante berlinoise font montre d’une absolue virtuosité – une fois de plus. Leur pièce sur le bonheur, avec 17 artistes sur scène, est leur plus importante production à ce jour… Le couvercle s’ouvre et laisse apparaître un petit orchestre. Franui, un ensemble instrumental originaire de l’Est du Tyrol et avec lequel les Navigators collaborent pour la première fois, interprète Schubert – avec l’instrumentation d’une Tanzkapelle, d’une fanfare de village. « Dort, wo du nicht bist, dort ist das Glück » – « Là où tu n’es pas, là se trouve le bonheur », cette citation extraite du Lied de Schubert « Der Wanderer », qui décrit l’éternel besoin de se porter sous d’autres cieux, est à l’origine du titre de la pièce… Le tout se joue à un tempo enlevé, mêlant slapstick et temps d’arrêt, délire total et tristesse contenue – et c’est de ces surprenants changements d’atmosphère que naît l’étrangeté du moment. Le spectateur n’en sort pas tout à fait indemne… En définitive le bonheur n’est pas vivable. Car comme nous cherchons toujours le grand bonheur, nous passons souvent à côté des petits. Parmi ces derniers, il y a les soirées au théâtre. Celle-ci est à ne pas manquer.
"Tu ne vis qu'une fois. Mais si tu le fais comme il faut, une seule fois suffit" entend-on à un moment dans "Wo Du nicht bist". Mais que veut dire vivre "comme il faut"? Est-ce que vivre signifie souffrir? Apprendre? Etre heureux? Est-ce que finalement n'est heureux que celui qui a cessé de vivre? Autant de questions qui préoccupent l'humanité depuis toujours. Nico and the Navigators ne livrent pas de réponses - et d'ailleurs s'ils le faisaient, on resterait sceptique. Mais poser des questions est déjà un art en soi. Et dans ce domaine les stars de la scène indépendante berlinoise font montre d'une absolue virtuosité - une fois de plus. Leur pièce sur le bonheur, avec 17 artistes sur scène, est leur plus importante production à ce jour. Depuis des années Nicola (Nico) Hümpel et sa troupe cosmopolite s'exportent bien au-delà des frontières. La création de "Wo du nicht bist" vient juste d'avoir lieu au festival de Bregenz, et maintenant la pièce est donnée à Berlin aux Sophiensaele, le lieu de résidence de cette compagnie désormais culte, fondée à l'origine au Bauhaus de Dessau, et qu'on ne voit plus qu'occasionnellementt ici, en raison des multiples invitations à l'étranger. La quête du bonheur se déroule dans un paysage vallonné et gris signé Oliver Proske. Une partie de la scène est occupée par une sorte de boîte à musique, qu'un des acteurs vient mettre en mouvement à l'aide d'une manivelle. Le couvercle s'ouvre et laisse apparaître un petit orchestre. Franui, un ensemble instrumental originaire de l'Est du Tyrol et avec lequel les Navigators collaborent pour la première fois, interprète Schubert - avec l'instrumentation d'une Tanzkapelle, d'une fanfare de village. "Dort, wo du nicht bist, dort ist das Glück" - "Là où tu n'es pas, là se trouve le bonheur", cette citation extraite du Lied de Schubert "Der Wanderer", qui décrit l'éternel besoin de se porter sous d'autres cieux, est à l'origine du titre de la pièce. Tout comme Andreas Schett et l'orchestre vont s'emparer de thèmes issus du répertoire des Lieder de Schubert, en les raccourcissant, en les prolongeant, en s'en éloignant, avec cymbalum, tuba, violon ou saxophone, de même Nico and the Navigators travaillent autour de différentes conceptions du bonheur, d'Aristote à Camus en passant par Thomas Bernhard. La metteuse en scène Nicola Hümpel produit avec sa troupe un théâtre basé sur l'association d'idées. Cela vaut pour le processus de création, qui naît d'improvisations entre les acteurs, la lumière, le son et l'espace. Mais cela vaut également lors de la représentation, pour la perception qu'en a le spectateur: les différentes images et situations sont là pour générer chez chacun ses propres paysages intérieurs. Ainsi donc il existe de multiples chemins vers le bonheur. Des accessoires comme un ballon, un seau, une luge, peuvent renvoyer au bonheur de l'enfance. La pomme, qui vient rouler à travers la scène, et se retrouve projetée par un club de golf, peut rappeler l'expulsion du Paradis. Un grand livre, dans lequel Anne Paulicevich vient presque s'enfouir: c’est la Connaissance. Un acteur se faufile sur scène revêtu d'un casque de protection: la vie considérée comme un chantier. Miyoko Urayama lance des graines de soja tout autour d'elle: un rituel asiatique en l'honneur du printemps. On tire les cartes ou on contemple les étoiles, on fait éclater des ballons, ou on nettoie la félicité à grandes eaux. L'un trouve le bonheur dans le désespoir, le désespéré lui le trouve dans son propre enterrement - car là enfin les autres sont tristes. Le tout se joue à un tempo enlevé, mêlant slapstick et temps d’arrêt, délire total et tristesse contenue – et c’est de ces surprenants changements d'atmosphère que naît l’étrangeté du moment. Le spectateur n'en sort pas tout à fait indemne. Des phrases comme "Tu trimes et tu trimes, juste parce que le talent pour le bonheur te fait défaut" peuvent faire mal. En définitive le bonheur n'est pas vivable. Car comme nous cherchons toujours le grand bonheur, nous passons souvent à côté des petits bonheurs. Et parmi ces derniers, il y a les soirées au théâtre. Celle-ci est à ne pas manquer.
…Les stars de la scène indépendante berlinoise font montre d’une absolue virtuosité – une fois de plus. Leur pièce sur le bonheur, avec 17 artistes sur scène, est leur plus importante production à ce jour… Le couvercle s’ouvre et laisse apparaître un petit orchestre. Franui, un ensemble instrumental originaire de l’Est du Tyrol et avec lequel les Navigators collaborent pour la première fois, interprète Schubert – avec l’instrumentation d’une Tanzkapelle, d’une fanfare de village. « Dort, wo du nicht bist, dort ist das Glück » – « Là où tu n’es pas, là se trouve le bonheur », cette citation extraite du Lied de Schubert « Der Wanderer », qui décrit l’éternel besoin de se porter sous d’autres cieux, est à l’origine du titre de la pièce… Le tout se joue à un tempo enlevé, mêlant slapstick et temps d’arrêt, délire total et tristesse contenue – et c’est de ces surprenants changements d’atmosphère que naît l’étrangeté du moment. Le spectateur n’en sort pas tout à fait indemne… En définitive le bonheur n’est pas vivable. Car comme nous cherchons toujours le grand bonheur, nous passons souvent à côté des petits. Parmi ces derniers, il y a les soirées au théâtre. Celle-ci est à ne pas manquer.
"Tu ne vis qu'une fois. Mais si tu le fais comme il faut, une seule fois suffit" entend-on à un moment dans "Wo Du nicht bist". Mais que veut dire vivre "comme il faut"? Est-ce que vivre signifie souffrir? Apprendre? Etre heureux? Est-ce que finalement n'est heureux que celui qui a cessé de vivre? Autant de questions qui préoccupent l'humanité depuis toujours. Nico and the Navigators ne livrent pas de réponses - et d'ailleurs s'ils le faisaient, on resterait sceptique. Mais poser des questions est déjà un art en soi. Et dans ce domaine les stars de la scène indépendante berlinoise font montre d'une absolue virtuosité - une fois de plus. Leur pièce sur le bonheur, avec 17 artistes sur scène, est leur plus importante production à ce jour. Depuis des années Nicola (Nico) Hümpel et sa troupe cosmopolite s'exportent bien au-delà des frontières. La création de "Wo du nicht bist" vient juste d'avoir lieu au festival de Bregenz, et maintenant la pièce est donnée à Berlin aux Sophiensaele, le lieu de résidence de cette compagnie désormais culte, fondée à l'origine au Bauhaus de Dessau, et qu'on ne voit plus qu'occasionnellementt ici, en raison des multiples invitations à l'étranger. La quête du bonheur se déroule dans un paysage vallonné et gris signé Oliver Proske. Une partie de la scène est occupée par une sorte de boîte à musique, qu'un des acteurs vient mettre en mouvement à l'aide d'une manivelle. Le couvercle s'ouvre et laisse apparaître un petit orchestre. Franui, un ensemble instrumental originaire de l'Est du Tyrol et avec lequel les Navigators collaborent pour la première fois, interprète Schubert - avec l'instrumentation d'une Tanzkapelle, d'une fanfare de village. "Dort, wo du nicht bist, dort ist das Glück" - "Là où tu n'es pas, là se trouve le bonheur", cette citation extraite du Lied de Schubert "Der Wanderer", qui décrit l'éternel besoin de se porter sous d'autres cieux, est à l'origine du titre de la pièce. Tout comme Andreas Schett et l'orchestre vont s'emparer de thèmes issus du répertoire des Lieder de Schubert, en les raccourcissant, en les prolongeant, en s'en éloignant, avec cymbalum, tuba, violon ou saxophone, de même Nico and the Navigators travaillent autour de différentes conceptions du bonheur, d'Aristote à Camus en passant par Thomas Bernhard. La metteuse en scène Nicola Hümpel produit avec sa troupe un théâtre basé sur l'association d'idées. Cela vaut pour le processus de création, qui naît d'improvisations entre les acteurs, la lumière, le son et l'espace. Mais cela vaut également lors de la représentation, pour la perception qu'en a le spectateur: les différentes images et situations sont là pour générer chez chacun ses propres paysages intérieurs. Ainsi donc il existe de multiples chemins vers le bonheur. Des accessoires comme un ballon, un seau, une luge, peuvent renvoyer au bonheur de l'enfance. La pomme, qui vient rouler à travers la scène, et se retrouve projetée par un club de golf, peut rappeler l'expulsion du Paradis. Un grand livre, dans lequel Anne Paulicevich vient presque s'enfouir: c’est la Connaissance. Un acteur se faufile sur scène revêtu d'un casque de protection: la vie considérée comme un chantier. Miyoko Urayama lance des graines de soja tout autour d'elle: un rituel asiatique en l'honneur du printemps. On tire les cartes ou on contemple les étoiles, on fait éclater des ballons, ou on nettoie la félicité à grandes eaux. L'un trouve le bonheur dans le désespoir, le désespéré lui le trouve dans son propre enterrement - car là enfin les autres sont tristes. Le tout se joue à un tempo enlevé, mêlant slapstick et temps d’arrêt, délire total et tristesse contenue – et c’est de ces surprenants changements d'atmosphère que naît l’étrangeté du moment. Le spectateur n'en sort pas tout à fait indemne. Des phrases comme "Tu trimes et tu trimes, juste parce que le talent pour le bonheur te fait défaut" peuvent faire mal. En définitive le bonheur n'est pas vivable. Car comme nous cherchons toujours le grand bonheur, nous passons souvent à côté des petits bonheurs. Et parmi ces derniers, il y a les soirées au théâtre. Celle-ci est à ne pas manquer.
Cette compagnie a été bénie des dieux… « Là où tu n’es pas, là se trouve le bonheur » : les huit acteurs se questionnent en allemand, en anglais, en francais, et ce faisant développent une forme théâtrale rare, méditative, ludique, désinvolte et comique, qui repose sur leurs personnalités, radieuses, courageuses, incisives parfois jusqu’à l’extrême. Ici pas d’affirmations, ni d’injonctions, mais simplement des questions qu’on pose, curieux et étonné, à soi-même et au monde… Le résultat des longs mois de réflexion, d’introspection, de répétitions menés en commun sous la houlette de Nicola Hümpel, c’est un tableau d’un romantisme parfaitement contemporain. Pas du Biedermeier, ce romantisme bourgeois – féru de savoir mais qui tel l’autruche s’enfouissait gracieusement la tête dans le sable en restant au chaud chez soi. Plutôt une poésie pleine de profondeur, une mélancolie ludique, un rafraîchissement pour le coeur et l’esprit, autant de chemins esquissés vers la lumière d’un futur plus coloré… Le deuil du bonheur disparu, l’espoir du bonheur à venir, la vie et la mort toujours si proches, tout cela Nico and the Navigators le parcourent aux côtés des neufs magnifiques musiciens de Franui, un ensemble venu d’un village de montagne du Tyrol… Un grand bonheur pour les spectateurs ravis que cette soirée, qui mérite le détour.
„Nico and the Navigators“ et l'ensemble musical du Tyrol „Franui“ enchantent le public aux Sophiensaele à Berlin Cette compagnie a été bénie des dieux. Nico and the Navigators, fondée par Nicola Hümpel en 1998 au Bauhaus à Dessau et aujourd’hui en résidence aux Sophiensaele à Berlin, c’est une troupe qu’on recommande chaudement sur le ton de la confidence, un « tuyau » - qui circule désormais de par le monde. Invités dans de nombreux théâtres et festivals, comme le Festival de Vienne, ils retrouvent à présent leur port d'attache berlinois, de retour du festival de Bregenz, pour ravir et enchanter leur public avec "Wo Du nicht bist“ une pièce élaborée collectivement sur le thème du bonheur. "C'est toujours bien mieux là où je ne suis pas" se lamente le jeune mélancolique d'aujourd'hui comme d'hier. Ce faisant il peut se réclamer de Franz Schubert, qui l'a précédé dans son Lied "Der Wanderer": “Dort, wo Du nicht bist, dort ist das Glück“ - Là où tu n'es pas, là se trouve le bonheur". Difficile de l’arrêter dans son élan, même en lui donnant du "très cher contradicteur", comme dans ce collage d’extraits de textes de philosophes grecs, romains, allemands et anglais, mais aussi de Simone de Beauvoir, Albert Camus ou de la chanteuse Francoise Hardy. Comment faire pour saisir le bonheur, le happer, l'attraper au vol, sans se leurrer soi-même? Les huit acteurs (Niels Bovri, Christoph Glaubacker, Anne Paulicevich, Verena Schonlau, Patric Schott, Andreas Schwankl, Gerd Lukas Storzer, Myoko Urayama) se questionnent en allemand, en anglais, en français, et ce faisant développent une forme théâtrale rare, méditative, ludique, désinvolte et comique, qui repose sur leurs personnalités, radieuses mais aussi incisives - parfois jusqu’à l’extrême. Ici pas d'affirmations, ni d'injonctions, mais simplement des questions qu'on pose, curieux et étonné, à soi-même et au monde. Cela se traduit par des jeux amusants, comme contempler les étoiles filantes en formulant secrètement un vœu, ou encore recracher un à un des raisins dont chacun représenterait un petit espoir à l’occasion du réveillon du Nouvel An. Dans la scénographie signée Oliver Proske, d'une limpidité une nouvelle fois inspirée du Bauhaus, les acteurs peuvent jouer avec une balle, une luge ou un seau, s'asperger d'eau, mais aussi feuilleter des livres, suivre le fil de leurs pensées, se confier aux autres, ou s'entendre dire que finalement ils ne travaillent autant que parce le talent pour le bonheur leur fait défaut. D'un autre côté, il existe aussi des gens qui ne veulent surtout pas qu'on les prive de leur malheur, ou simplement de leur absence de bonheur, car tout comme Marlene Dietrich chez Felix Hollaender, ils ont „peur du bonheur“. Le résultat des longs mois de réflexion, d’introspection, de répétitions menés en commun sous la houlette de Nicola Hümpel, c’est un tableau d’un romantisme parfaitement contemporain. Pas du Biedermeier, ce romantisme bourgeois - féru de savoir mais qui tel l’autruche s’enfouissait gracieusement la tête dans le sable en restant au chaud chez soi. Plutôt une poésie pleine de profondeur, une mélancolie ludique, un rafraîchissement pour le coeur et l’esprit, autant de chemins esquissés vers la lumière d’un futur plus coloré. Le deuil du bonheur enfui, l’espoir du bonheur à venir, la vie et la mort toujours si proches, tout cela Nico and the Navigators le parcourent aux côtés des neufs magnifiques musiciens de Franui, un ensemble venu d’un village de montagne du Tyrol oriental. Ceux-ci se sont approprié sans complexe 18 Lieder de Franz Schubert et, installés dans leur kiosque comme dans une boîte à musique, ils ont créé avec cymbalum et harpe, guitare et accordéon, trombone à coulisse et contrebasse, un univers sonore qui s’étend de la tristesse d’une magie tellurique au ravissement divin. Appelés dans leur village aussi bien à jouer lors des bals qu’à assurer les services funèbres, ils mêlent ici les deux d’une manière touchante. De la sorte, la soirée prend une dimension métaphysique à laquelle poésie et mélancolie confèrent sa gravité, gravité que les comédiens parviennent toujours à rompre. Eux apportent la grâce et le charme, un rire où la larme au coin de l’oeil n’est jamais loin. Ils se jouent de la quête du bonheur avec sérieux, ils se préparent déjà à renoncer à la connaissance. Un grand bonheur pour les spectateurs ravis que cette petite soirée, qui mérite le détour.
… C’est la plus grande entreprise que les Navigators aient jamais pilotée – et c’est un triomphe! En collaboration avec le formidable ensemble intrumental tyrolien Franui, ils ont élaboré une pièce sur le bonheur, et comme par un fait exprès, sous le signe de Schubert, cet éternel malheureux.
… »Tu trimes et tu trimes, uniquement parce le talent pour le bonheur te fait défaut » entend-on, et aussitôt on se sent touché au vif. Il s’agit d’une pièce sérieuse, mais qui ne manque pas de moments merveilleux, empreints de liberté et, oui, même de bonheur: comme par exemple lorsqu’un comédien saute en l’air, nu comme un ver… alors que tout le monde sait déjà que « probablement chacun est exactement aussi heureux qu’il a décidé de l’être ». …„Wo du nicht bist“ est une petite merveille de poésie et de défi.
Bregenz est une ville d’une laideur impressionnante. On peut venir ici pour étudier comment un cadre idyllique au bord du lac de Constance peut se retrouver défiguré par de mauvais architectes. Seule exception, le Kunsthaus à l’élégance modeste signé Peter Zumthor. Le festival de Bregenz présente son “Troubadour” sur la Seebühne, une scène sur le lac, la plus grande du genre en Europe, avec ses 7000 places. Le décor est une raffinerie de pétrole vomissant des flammes, sur ses escaliers, bastingages et ponts s’agitent plusieurs centaines de personnes. Verdi considéré comme une comédie musicale futile. Mais le festival propose également une section expérimentale, „Kunst aus der Zeit“ (Art du Temps), KAZ en abrégé, avec des productions propres et des coproductions, notamment avec le Théâtre Thalia de Hambourg („Die Präsidentinnen“ de Werner Schwab) ou avec la scène indépendante berlinoise. Le nouveau projet de Nico & the Navigators, „wo du nicht bist“ (Là où tu n’es pas), dont la création était initialement prévue pour la RuhrTriennale, voit donc le jour avec un an de retard dans la Werkstattbühne. C’est la plus grande entreprise que les Navigators aient jamais pilotée – et c’est un triomphe! En collaboration avec le formidable ensemble intrumental Franui du Tyrol, ils ont développé une pièce sur le bonheur, et comme par un fait exprès, c’est sous le signe de Schubert, cet éternel malheureux. Andreas Schett et Markus Kraler ont retravaillé, désossé, célébré, prolongé 18 Lieder de Schubert, leur ont joyeusement adjoint cymbalum, accordéon et tuba, et de la sorte recomposé un cycle de Lieder imaginaire et décalé, sous l’influence de la musique populaire, autour duquel Nico and the Navigators ont inventé scènes et images. Comme toujours, ils n’abordent pas leur thème de front, mais flirtent avec, tournent autour sur le mode ludique, combinant anecdotes et associations d’idées. Le bonheur ne se laisse pas saisir si facilement, tel un poisson il vous glisse entre les doigts et on n’en prend conscience qu’après coup. Si pour chacune des douze résolutions du Réveillon du Nouvel An l’on se fourre un raisin dans la bouche, il devrait bien en résulter quelquechose. Ou alors on les recrache à la face de l’année nouvelle, en l’occurrence au beau milieu de la figure d’un contemporain ébahi et docile. La scène entre Verena Schonlau et Patric Schott, accompagnée de la douce supplique des Lieder dans la version de Franui, est aussi poétique et comique que toute félicité teintée de tristesse. Mais le bonheur peut aussi résider dans le plaisir enfantin du déguisement, la natation, la lecture d’un livre, voire le fait d’être enfin-malheureux-pour-de-bon, dans la solitude des grands sentiments. Tout cela est effleuré, imaginé, donné à deviner, tantôt avec la profondeur des contes, tantôt avec une lucidité aigüe et féroce. "Tu trimes et tu trimes, uniquement parce le talent pour le bonheur te fait défaut" entend-on, et aussitôt on se sent touché au vif. Il s'agit d'une pièce sérieuse, mais qui ne manque pas de moments merveilleux, empreints de liberté et, oui, même de bonheur: comme par exemple lorsqu'un comédien tout nu saute en l'air, tel un pigeon voyageur ou un aigle, alors que tout le monde sait déjà que "probablement chacun est exactement aussi heureux qu'il a décidé de l'être". Ou - tout étant dans la dialectique - pour paraphraser Thomas Bernhard: "Il avait peur de perdre son scepticisme". Le bonheur peut être tout le contraire. „Wo du nicht bist“ est une petite merveille de poésie et de défi. Quand Anne Paulicevich s'amuse à incarner sa famille au grand complet, ou quand Miyoko Urayama reproduit le rituel qui consiste à répandre des graines de soja en l'honneur du printemps, quand Christoph Glaubacker rumine "vraiment, c'est plus drôle à la fin" et explique, vexé, pourquoi - un frisson de bonheur joyeux parcourt le public. Toujours la pièce reste en suspens dans un halo scintillant, pleine de mystère et de justesse. Les dimensions du spectacle (neuf musiciens, huit acteurs) sont presque au-delà du raisonnable compte tenu des possibilités d'une compagnie indépendante, et n'ont été atteintes qu'au prix d'énormes sacrifices personnels. Le décor géométrique d'Oliver Proske lui non plus ne déparerait pas sur la scène des plus grands théâtres. Il place les musiciens dans une gigantesque boîte métallique, une boîte à musique dont on remonterait le ressort, et dont les parois s’élèvent et s’abaissent pour au final s'ouvrir telle une huître donnant naissance à une perle. Un long ponton et une colline à la courbe galbée comme une hanche constituent le paysage de ce jeu fait de bonheur et de soufre, illuminé des couleurs nées de la lumière magique de Peter Meier. Comment tout cela va-t’il bien pouvoir être adapté pour les Sophiensaele, bien moins richement dotées techniquement, et où aura lieu la première berlinoise ce soir? Hümpel, Proske et leurs collaborateurs ont déjà résolu des problèmes d'une tout autre ampleur.
Accompagnés de Lieder de Schubert tantôt proches de l’original, tantôt s’en éloignant, huit acteurs qui emportent l’adhésion aussi bien sur le terrain de la comédie que de la danse, de la pantomime et du chant, s’emploient à questionner le bonheur – son origine, son essence, et comment l’atteindre… Par le biais du texte comme des acrobaties, on est entraîné du Kabuki au Guignol, en passant par l’arène de cirque – le bonheur consistant peut-être à bouquiner ou à mâcher une pomme. Les yeux et les oreilles des spectateurs sont constamment en mouvement.
Cette compagnie a été bénie des dieux… « Là où tu n'es pas, là se trouve le bonheur" : les huit acteurs se questionnent en allemand, en anglais, en francais, et ce faisant développent une forme théâtrale rare, méditative, ludique, désinvolte et comique, qui repose sur leurs personnalités, radieuses, courageuses, incisives parfois jusqu’à l’extrême. Ici pas d'affirmations, ni d'injonctions, mais simplement des questions qu'on pose, curieux et étonné, à soi-même et au monde… Le résultat des longs mois de réflexion, d’introspection, de répétitions menés en commun sous la houlette de Nicola Hümpel, c’est un tableau d’un romantisme parfaitement contemporain. Pas du Biedermeier, ce romantisme bourgeois - féru de savoir mais qui tel l’autruche s’enfouissait gracieusement la tête dans le sable en restant au chaud chez soi. Plutôt une poésie pleine de profondeur, une mélancolie ludique, un rafraîchissement pour le coeur et l’esprit, autant de chemins esquissés vers la lumière d’un futur plus coloré... Le deuil du bonheur disparu, l’espoir du bonheur à venir, la vie et la mort toujours si proches, tout cela Nico and the Navigators le parcourent aux côtés des neufs magnifiques musiciens de Franui, un ensemble venu d’un village de montagne du Tyrol... Un grand bonheur pour les spectateurs ravis que cette soirée, qui mérite le détour.
…A l’instar des Navigators lancés dans leur quête de cet état entre souffrance et bonheur, la musique résonne fort à propos, comme si elle aussi provenait de cet entre-deux… Une fois de plus Nico and the Navigators se jouent de tout, bravaches, d’un joli pied de nez libérateur…
... Quand vient le moment de l’adieu, même au coeur du plus grand malheur, il y a toujours une petite parcelle de bonheur qui subsiste, un souvenir autour duquel se recroqueviller, et grâce auquel se consoler. Plus de métamorphoses que dans cette pièce de théâtre, ce n’est pas possible..."Wo du nicht bist" est également une soirée autour des Lieder de Schubert, dont le titre et Leitmotiv proviennent du Lied "Der Wanderer": un homme venu de la montagne arrive à la mer, où force lui est de constater: „je suis un étranger partout“... cette histoire pourrait constituer le fil conducteur de la soirée... Chacun se trouve tour à tour isolé, rejeté puis de nouveau recueilli par le collectif – car le groupe constitué autour de Nicola Hümpel pratique un théâtre où une souffrance silencieuse naît de la chaleur du cocon... A l’instar des Navigators lancés dans leur quête de cet état entre souffrance et bonheur, la musique résonne fort à propos, comme si elle aussi provenait de cet entre-deux... Une fois de plus Nico and the Navigators se jouent de tout, bravaches, d’un joli pied de nez libérateur.
Une production de NICO AND THE NAVIGATORS et des Bregenzer Festspiele / Kunst aus der Zeit. Avec le soutien de la Fondation pour la culture du Gouvernement fédéral allemand et du Land de Berlin. En coopération avec les Sophiensaele.
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